Aux soupers-conversations communautaires, les membres des communautés autochtones sont invités à partager leurs expériences au sein du système de santé dans un espace sécuritaire et ouvert. (Photo : Centre d'accès aux services de santé pour les Autochtones N’Mninoeyaa N’Mninoeyaa)

 

Par Jason Rehel, auteur et éditeur du contenu, ACSO

Des décennies de colonialisme et d’oppression ont fait peser un terrible fardeau sur la santé et le bien-être des Autochtones. Beaucoup d’entre eux souffrent de dépression, d’anxiété ou de maladies chroniques; dans certaines communautés, le diabète de type 2 a atteint des proportions épidémiques. Autre problème grave : en raison du racisme qu’ils ont subi dans les établissements de soins de santé, les Autochtones se méfient souvent des professionnels de la santé et n’ont donc pas accès à tous les services dont ils ont besoin pour favoriser une bonne santé.

Sur la rive nord du lac Huron, le Centre d'accès aux services de santé pour les Autochtones N’Mninoeyaa s’affaire à restaurer cette confiance grâce à une solution toute simple : l’aménagement d’un espace et d’un endroit où chacun est à l’aise de parler franchement de ses expériences et de ses besoins en matière de santé et de bien-être.

Plusieurs fois par an, à différents endroits le long de la rive nord, le centre organise des conversations communautaires et des soupers, et offre des bons d’essence à ceux qui doivent se déplacer. En fonction des commentaires recueillis lors de ces conversations communautaires dans une ambiance intime, les employés du centre adaptent leur travail afin de répondre le mieux possible aux besoins communautaires. « C’est plus utile que la meilleure enquête que nous pourrions imaginer, estime Gloria Daybutch, la directrice générale du centre. En mangeant autour de la même table que nous, les gens sentent qu’ils sont des participants à parts égales au processus. C’est à ce moment-là qu’ils ont le plus de facilité à s’exprimer sur ce que nous devrions faire autrement. »

Au début de la soirée, la direction et les coordonnateurs des programmes du centre se présentent, ainsi que les membres de leur famille. « Cela crée un sentiment de reconnaissance... et ainsi, la conversation devient un échange entre amis et membres d’une même famille », poursuit Gloria Daybutch.

À la suite des commentaires formulés dans ces échanges, le personnel de N’Mninoeyaa apporté de nombreux changements dans ses huit centres : achat d’autres chaises hautes pour accueillir les jeunes familles d’une communauté; et embauche prochaine d’une guérisseuse traditionnelle pour aider les femmes victimes de sévices sexuels. Le personnel travaille aussi à combler les lacunes dans les services signalés par les membres de la communauté : la nécessité de l’éducation et du soutien pour l’autisme, la perte d’audition et les personnes âgées qui demandent des renseignements sur le zona.

Après les soupers, les employés du centre font un suivi auprès des participants selon le moyen de communication qu’ils préfèrent. « Ainsi, les gens ont une synthèse des questions soulevées et des commentaires, conclut Gloria Daybutch. Même si les mesures peuvent prendre du temps, ils savent que le dialogue est amorcé et que leurs voix ont été entendues. »

Dans les prochains mois, Gloria Daybutch et son personnel du centre N’Mninoeyaa tiendront un souper-dialogue communautaire avec les jeunes hommes autochtones vivant dans la pauvreté, population qui a rarement accès aux services du centre, mais qui pourrait bénéficier d’un éventail de services de promotion de la santé. Pour inviter ces jeunes Autochtones, les coordonnateurs collaborent avec les travailleurs de proximité locaux d’Ontario au travail.

Le centre N’Mninoeyaa est l’un des 10 centres d'accès aux services de santé pour les Autochtones (CASSA) dans la province représentés par l’Association des centres de santé de l’Ontario (ACSO). Pour Gertie Mai Muise, directrice de la stratégie et de la transformation de l’ACSO du CASSA, les conversations communautaires de N’Mninoeyaa portent sur le rétablissement du sentiment d’autodétermination des peuples autochtones, ainsi que de leur confiance.

« La confiance est absolument fondamentale pour tout professionnel de la santé qui arrive dans une communauté, dit-elle. Il est donc essentiel de ménager des espaces accueillants où les gens peuvent trouver des solutions par eux-mêmes. C’est la raison d’être des centres de santé communautaire et des CASSA : reconnaître que les communautés ont en main les réponses aux questions qui les concernent. »

Elle explique que les conversations communautaires de N’Mninoeyaa relèvent aussi de la reddition de comptes envers les patients et les communautés autochtones, et du respect des droits issus de traités en ce qui concerne les services de santé. Respecter cette promesse sur le terrain est un objectif que cherchent à réaliser tous les CASSA et les CSC autochtones.

« Les personnes marginalisées, qui subissent les effets du racisme – il y a encore très peu de place pour leurs histoires dans le discours sur les soins de santé, affirme Gertie Mai Muise. Les conversations communautaires nous aident à approfondir notre compréhension de l’expérience des patients. Si nous pouvions véritablement étendre cette initiative à l’ensemble du système, je pense que nous comprendrions beaucoup mieux le vécu des gens, non seulement dans les soins de santé, mais dans la société dans son ensemble. »