Le Centre de santé communautaire de l’Estrie, l’un parmi une vingtaine de centres membres de l’ACSO qui offrent des services en français aux Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes de toute la province
Le 6 novembre 1986, le gouvernement provincial de l’Ontario a adopté la Loi sur les services en français. Cette loi confère aux francophones le droit de recevoir des services du gouvernement provincial en français, notamment dans les 26 régions désignées.
Trente ans plus tard, la province a-t-elle donné suite à l’intention de cette mesure législative? Quelles mesures sont nécessaires pour accélérer les progrès? Et quelles dispositions faut-il surveiller dans la loi Priorité aux patients du ministre Eric Hoskins, qui sera adoptée bientôt?
Pour obtenir réponse à ces questions, nous nous sommes entretenus avec Marc Bisson, directeur général du Centre de santé communautaire de l’Estrie et membre du Conseil consultatif des services de santé en français auprès du ministre de la Santé.
La prestation des services en français, n’est-elle pas une question concernant davantage les provinces comme le Québec et le Nouveau-Brunswick qui comptent beaucoup plus de francophones?
Je ne le pense pas. Il y a plus de 612 000 francophones qui vivent en Ontario. C’est la plus grande population francophone vivant à l’extérieur du Québec. De plus, le français est reconnu dans la Constitution canadienne comme l’une des langues officielles de notre pays.
L’adoption de la Loi sur les services en français s’est fait longtemps attendre. Pendant plus d’un siècle, les Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes plaidaient pour que leurs droits linguistiques soient reconnus. Quand ils l’ont été, ce fut une grande victoire, qui a marqué le début d’un nouveau chapitre et de plus grandes aspirations pour les Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes.
Dans quelle mesure le gouvernement provincial a-t-il donné suite à l’intention de la loi?
La bonne nouvelle, c’est que la loi a joué un rôle de sensibilisation et de promotion de la culture et des besoins des Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes. Elle a également donné aux Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes la confiance nécessaire pour demander des services gouvernementaux en français, au moins dans les régions désignées. Par exemple, elle a probablement contribué à la création de centres de santé communautaires francophones, comme celui que je dirige à Cornwall.
Cependant, trente ans après l’adoption de la Loi sur les services en français, il y a encore bien des lacunes à combler. De nombreux francophones plaident pour que leurs droits soient respectés.
Le ministre Hoskins a l’occasion d’intensifier les progrès accomplis grâce à la Loi Priorité aux patients qui vient de franchir l’étape de la deuxième lecture à Queen 's Park. Que recherchez-vous dans cette loi?
Eh bien, nous sommes ravis que la dernière version de la loi du ministre énonce explicitement que faire progresser l’équité en matière de santé sera un objectif clé des RLISS, et que cet objectif comprend la satisfaction des exigences de la Loi sur les services en français. Cependant, dans la version finale de la loi qui régit les RLISS, nous recherchons une formulation plus forte, plus précise. Par exemple, la loi doit enjoindre les RLISS de faire en sorte que les francophones participent à la planification du système. Cela peut se faire en faisant siéger des représentants francophones aux conseils d’administration des RLISS, ainsi qu’aux comités consultatifs des patients et des familles des RLISS.
La loi régissant les RLISS a aussi besoin de dispositions qui font en sorte que lorsque les RLISS héritent d’un contrat de service de soins à domicile des Centres d’accès aux soins communautaires (CASC), ils sont tenus de s’assurer que tous les sous-traitants offrent des services en français. Dans le passé, beaucoup de francophones n’avaient pas accès aux services à domicile des CASC en français. Cela a été un problème grave dans de nombreuses régions de l’Ontario.
Enfin, nous devons apporter des changements à la Loi sur la protection et la promotion de la santé afin de nous assurer que les bureaux de santé publique répondent aux exigences de la Loi sur les services en français en matière de planification, de conception, de prestation et d’évaluation des services. Les bureaux de santé publique forment un élément très important de notre système de santé et ils doivent faire leur part.
Vous trouverez plus de détails sur les changements nécessaires à la Loi Priorité aux patients dans le mémoire soumis par l’ACSO au Comité permanent qui étudie maintenant le projet de loi.
Beaucoup de Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes sont bilingues. Parlez-nous de l’importance pour cette population de recevoir des services de santé en français.
Parler de sa santé, ce n’est pas la même chose que de parler de ses activités quotidiennes. C’est personnel. Il doit y avoir du respect, de la confiance et de la compréhension entre le professionnel de la santé et la personne qui reçoit les soins. Les intervenants en santé mentale vous diront que pour obtenir le bon diagnostic et le bon plan de traitement, la première étape consiste à établir un lien culturel et linguistique solide. Il a aussi été établi que les personnes souffrant de démence vont revenir à leur langue maternelle, même si elles ont parlé l’anglais pendant la majeure partie de leur vie.
À notre CSC, nous voyons tous les jours des gens qui peuvent à peine parler l’anglais. Ils ont eu des difficultés dans d’autres parties du système de santé parce qu’ils n’avaient pas accès à des services en français. Nous savons que, en leur offrant des services de soins primaires en français, nous avons une meilleure chance de les garder en bonne santé et de réduire leur besoin des autres types de services de santé.
La province vient d’annoncer le financement d’un nouveau site géré par votre centre de santé communautaire à Limoges, une petite communauté située environ 35 kilomètres à l’est d’Ottawa. Quels changements positifs cela apportera-t-il aux francophones qui y vivent?
C’est énorme pour eux. Ils seront en mesure d’accéder aux soins primaires ainsi qu’aux services liés aux maladies chroniques, à la santé mentale et à l’éducation sur le diabète. Nous serons également en mesure de collaborer avec d’autres organismes afin d’offrir d’autres types de services. Le site fera partie d’un centre communautaire – un excellent modèle pour promouvoir un accès élargi aux services de langue française et respecter les promesses faites dans la Loi sur les services en français.