Le 21 juin, la Journée nationale des peuples autochtones sera soulignée partout au pays. Des milliers de personnes se rassembleront aujourd’hui et au cours de la semaine à des centaines d’évènements et de festivités d’un bout à l’autre de l’île de la Tortue. Plusieurs activités seront organisées par les communautés inuites, métisses et des Premières Nations. Dans les territoires régis par des traités et ceux non cédés, les personnes autochtones et non autochtones prennent conscience de l’histoire et de la culture de ces terres comme jamais auparavant. Ces célébrations, individuellement, n’ouvrent pas la voie à la réconciliation. Cependant, elles sont importantes pour tisser des liens, tenir des discussions difficiles, promouvoir l’échange de connaissances et souligner le désapprentissage des discours coloniaux, contribuant ainsi à la réconciliation de façon plus générale.
Au-delà des festivités, cette journée sert de catalyseur pour des discussions plus approfondies ainsi que pour une meilleure sensibilisation et une compréhension accrue au sein des leaders et des gouvernements des divers paliers. Nous devons tous penser aux prochaines mesures à prendre pour cerner et éliminer les structures et les iniquités du colonialisme.
L’Alliance et les organisations de soins de santé primaires interprofessionnels qui en sont membres, incluant des organisations de soins de santé primaires autochtones qui sont aussi membres du Conseil autochtone des soins de santé primaires (IPHCC), constatent plusieurs domaines d’action, dont les suivants :
- Des actions immédiates pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Tous les paliers gouvernementaux doivent mettre en place des plans d’action concrets, coordonnés et pouvant être évalués concernant les 231 appels à la justice du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Les taux de violence élevés au Canada contre les femmes, les filles et les personnes 2SLGBTQ+ autochtones perdurent. Cependant, selon une analyse détaillée publiée récemment par la CBC, seulement deux de ces appels ont été mis en pratique. Jusqu’au jour où les gouvernements, les ministères et les fonctionnaires devront respecter des cibles pour lesquelles ils seront redevables, l’apathie et l’inaction continueront. Nous avons besoin de leaders qui considèrent ces appels comme une question de vie ou de mort, car ils le sont.
- Des actions immédiates pour la santé des Autochtones entre les mains des Autochtones. Le rapport final des recommandations de l’enquête nationale s’est aussi penché sur le « droit à la santé » et la nécessité de s’attaquer aux causes fondamentales de la violence disproportionnée contre les femmes, les filles et les personnes 2SLGBTQ+ autochtones, notamment « la nécessité d’offrir aux femmes autochtones des soins de santé, des services en santé mentale et des traitements des dépendances qui sont accessibles et adaptés à la culture ». La santé des Autochtones, entre les mains des Autochtones, est un principe important qui doit être mis en application. Les changements souhaités comprennent des programmes, des organisations et des systèmes sous la gouvernance et la direction des peuples autochtones. Ce principe est essentiel à l’amélioration des résultats en matière de santé et à des changements systémiques durables.
- Des actions immédiates pour la lutte contre les changements climatiques et leur incidence sur les communautés, la santé des populations et l’équité en santé. Pour les personnes autochtones (et de nombreuses personnes non autochtones), la santé de la terre est liée directement à la santé de la communauté. L’inaction concernant les changements climatiques signifie que les disparités et les iniquités en matière de santé qui touchent les personnes et les communautés autochtones vont s’aggraver. Nous le savons par diverses preuves, dont les preuves concrètes montrant que les récents feux de forêt font en sorte qu’il est difficile de respirer et de boire l’eau dans les collectivités du Nord, et exacerbent les problèmes de santé des personnes d’un bout à l’autre du Canada. Nous le savons aussi par les articles publiés dans des revues comme The Lancet. Peu importe la façon d’examiner la question, nous devons collaborer plus étroitement avec les leaders autochtones, incluant les responsables de la santé, pour s’attaquer aux impacts des changements climatiques qui touchent les personnes qui font déjà face à des obstacles socioéconomiques, qui sont vulnérables, et qui sont victimes de diverses situations, notamment de racisme. Les personnes ont besoin d’aide pour atténuer les impacts sur leur milieu de vie. La résilience ne tombe pas du ciel : nous devons créer les conditions pour que les personnes puissent la renforcer et fournir les ressources pour leur permettre d’accomplir le travail.
- Des actions immédiates pour lutter contre le racisme envers les Autochtones dans les structures de pouvoir du Canada. Le Canada, ses gouvernements, ses institutions et ses organisations doivent en faire davantage pour cerner et éliminer le racisme systémique. Les forces policières discriminent contre les personnes autochtones et font preuve d’apathie envers elles et leur souffrance. Les structures de pouvoir coloniales de la bureaucratie du gouvernement fédéral montrent leur fondement raciste et colonial lorsqu’elles sont remises en question. Les systèmes d’oppression fondés sur des structures de pouvoir coloniales ne changeront par eux-mêmes ni du jour au lendemain. Ils doivent être contestés activement plutôt que passivement. Nous pouvons en demander davantage des paliers supérieurs du gouvernement et de ses dirigeants. Nous pouvons insister, par exemple, pour que les personnes responsables des décisions qui touchent la vie des Autochtones aient un minimum de connaissances et de formation, comme nous tentons de le faire dans le domaine de la santé par des formations comme celle sur la sécurité culturelle de l’IPHCC (Anishinaabe Mino’Ayaawin – People in Good Health Cultural Safety Training). La voie vers la réconciliation doit être active, et les dirigeants des divers paliers gouvernementaux doivent le reconnaitre. Le démantèlement du racisme systémique colonial ne peut se faire au cas par cas. Nous devons changer des systèmes et non seulement la façon de penser des personnes.
Alors que nous célébrons et apprenons ensemble aujourd’hui et cette semaine, nous devons aussi réaliser que collectivement, nos actions individuelles créent des villages, des villes, des provinces et des nations. Nous ne pouvons pas simplement attendre que d’autres personnes prennent des mesures pour nous. Nous devons plutôt nous poser des questions et en poser à nos familles, nos communautés et nos élus.
Il y a diverses façons pour nous et pour les personnes autour de nous d’assumer cette responsabilité, et nous devons le faire. La vie des générations futures dépend de nos actions aujourd’hui.