« Tout le monde a la … liberté de réunion pacifique » au Canada, telle qu'enchâssée dans l'’alinéa 2c de la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci et l’alinéa 2b, garantissant à chacun la « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression », permettent à toutes les personnes au Canada de se réunir avec des personnes qui partagent leurs idées afin d’exprimer leurs opinions : le droit de manifester et de protester. Cependant, ce ne sont pas des droits qui sont accordés de manière équitable à toutes les personnes au Canada, comme nous pouvons le voir en ce moment avec les manifestations du « convoi de la liberté » à Ottawa et ailleurs.
Récemment, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario, ainsi que plusieurs commentateurs en matière de soins de santé dans les médias, ont exprimé qu’il faut avoir une conversation réfléchie et respectueuse à l’échelle du pays sur la suite des choses quant à la lutte contre la pandémie au Canada. Cependant, il est aussi devenu évident au cours des dernières semaines, qu’au Canada, les institutions, les services policiers, les dirigeants politiques et la culture dominante s’efforcent de maintenir le statu quo quant à l’iniquité qui existe concernant la possibilité de s’exprimer et de manifester en toute sécurité et sans crainte.
Les évènements et les gestes posés par les manifestants à Ottawa, à Toronto et à proximité des postes frontaliers en Alberta et maintenant à Windsor, mettent à nu la suprématie blanche, la violence et les privilèges sous-jacents de ces prétendus cris de ralliement pour la « liberté ». Les tactiques utilisées par ces groupes (perturbation, harcèlement et intimidation de communautés et de fournisseurs de soins de santé) sont rendues possibles par les institutions, la loi et les forces de l’ordre qui traitent les manifestants et les citoyens qui y participent différemment selon qui ils sont.
Ce double standard a été exposé lorsque le chef de police d’Ottawa a déclaré la semaine dernière « qu’il pourrait ne pas y avoir de solution policière à cette manifestation. » Ce « deux poids, deux mesures » était aussi en évidence dans les messages transmis dans les médias sociaux par le service de police aux personnes qui participaient aux manifestations lors du dernier weekend de janvier; ces messages avaient pour but de les assurer que leurs droits de rassemblement public et de dénonciation seraient respectés, et de leur donner des conseils en vue d’éviter les embouteillages pour assister aux évènements. Un tel accueil à des endroits publics pour manifester et se faire entendre n’est pas un privilège accordé aux manifestants racialisés et autochtones ou d’autres manifestants issus de groupes marginalisés.
Ce double standard pour les manifestants n’est pas un cas isolé. Par exemple, les militants et les défenseurs des terres autochtones sont confrontés à de la violence et des arrestations, et des défenseurs des terres autochtones font face à des accusations pour avoir pris part à une manifestation pacifique. Entretemps, l’action des services policiers est insuffisante alors que la capitale nationale est paralysée, et que des membres de la communauté sont confrontés à du harcèlement depuis plus d’une semaine. Ce double standard est un exemple flagrant de racisme systémique qui maintient la suprématie blanche.
Le fait de tolérer ces manifestations et les épisodes de violence et de racisme qui y sont associés fera davantage passer sous silence les voix des personnes marginalisées par la pandémie et le racisme. L’un des principes fondamentaux d’une démocratie saine est de permettre à divers points de vue d’être exprimés en toute sécurité et de façon transparente, sans crainte de violence de la part d’autres personnes ou du gouvernement. Il s’agit d’un principe que les institutions et les dirigeants canadiens doivent appliquer pour tous, et non seulement pour les personnes qui peuvent bloquer nos rues, klaxonner le plus fort et obtenir un traitement préférentiel des forces de l’ordre et lors de l’application de la loi.