Madame la solliciteure générale,
Nous vous écrivons pour exprimer nos préoccupations relativement à l’accès limité à des soins de santé pour les personnes incarcérées, celles qui ont récemment été libérées d’établissements correctionnels, ou celles, qui de façon générale, ont des démêlés avec la justice.
Le Canada est signataire des déclarations des Nations-Unies engageant à offrir des services de santé adéquats pour les personnes incarcérées, sans discrimination. Au cours de la pandémie de la COVID-19, l’accès à des soins de santé pour les personnes détenues dans les établissements correctionnels et celles récemment libérées n’est pas équitable comparativement à celle de la population en général. Au contraire, les risques pour la santé pour ces populations vulnérables sont maintenant plus élevés. Nous exhortons le ministère à combler ces lacunes en matière de soins.
Les organismes communautaires de soins de santé fournissent des soins primaires à des gens de partout dans la province qui ont des démêlés avec la justice. Nos organismes sont très conscients que les personnes incarcérées ont un risque élevé de contracter la COVID-19 étant donné le surpeuplement des établissements correctionnels qui rend inévitables les contacts proches. Les personnes incarcérées n’ont pas accès « sur demande » à des ressources de prévention comme la population en général. Ces facteurs accroissent la susceptibilité de contracter la COVID-19. Compte tenu de ce contexte, les organismes communautaires de la santé ont accueilli favorablement les mesures prises pour accélérer la libération des individus admissibles. Pour la sécurité de cette population et de celle de l’ensemble de la population de l’Ontario, il faut offrir des ressources adéquates et des soins de santé complets aux personnes récemment libérées dans la lutte contre la COVID-19.
Nos organismes s’inquiètent quant aux protocoles inadéquats pour la planification des libérations. Malgré le risque élevé d’exposition à la COVID-19 dans les milieux carcéraux, la province n’a pas présenté de stratégie concernant cette population dans son Plan d’action COVID-19 : protection des Ontariens vulnérables. Des rapports indiquent que plus de 1000 personnes ont été libérées d’établissements correctionnels au cours de la présente pandémie. Les individus récemment libérés sont susceptibles d’avoir des problèmes de santé. Sans interventions adaptées, plusieurs restent coupés des soins de santé primaires et des services sociaux essentiels. Les données montrent que plusieurs personnes qui quittent les établissements correctionnels en Ontario sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté et dans l’itinérance et d’avoir un mauvais état de santé; la crise de la COVID-19 exacerbe ces préoccupations. L’absence de plans de transition clairs et de stratégies exhaustives de libération amplifie les risques pour les personnes vulnérables. Les conséquences qui en découlent sont tout à fait évitables.
Nous pouvons aider. Nos secteurs possèdent le savoir-faire et la capacité pour éliminer ces lacunes. Les centres de santé communautaire (CSC) et les centres d’accès aux services de santé pour les Autochtones (CASSA) ont créé une liste d’établissements de soins de santé primaires à proximité des établissements correctionnels pour le bureau de la solliciteure générale. Ces établissements de soins de santé sont prêts à établir des liens formels avec des établissements à proximité. Des organismes fournissant des services sociaux (réunis sous la Correctional Reform Coalition – coalition pour la réforme du système correctionnel) ont offert à la province de l’aider à élaborer de rigoureux plans flexibles de libération pour réduire l’isolement social et la vulnérabilité des personnes qui quittent les établissements correctionnels. Nous exhortons la province à inviter les acteurs de ces secteurs à se réunir pour établir des protocoles exhaustifs de libération.
La province peut agir rapidement pour venir en aide à ces populations grâce aux mesures suivantes :
- L’établissement de liens à des soins de santé offerts par des organismes de soins de santé primaires dirigés par les communautés. Les CSC et les CASSA ont la capacité d’aider les personnes récemment libérées. Ils aident aussi les communautés très marginalisées et sont bien adaptés pour satisfaire aux besoins complexes des individus récemment libérés des établissements correctionnels.
- L’élaboration de stratégies de libération en temps de pandémie en collaboration avec des organismes de services sociaux. La province doit inclure des leaders du secteur dans l’élaboration de lignes directrices, de protocoles de gestion de cas et de politiques de libération qui assureront des liens à des services sociaux.
- La mise en place de protocoles de libération en temps de pandémie pour les personnes en détention provisoire qui correspondent aux protocoles utilisés dans la planification de la libération des personnes condamnées. Le fait que des protocoles existent pour un groupe et non pour l’autre engendre des inégalités en matière de soins.
- La publication de données sur la proportion des personnes condamnées et détenues de façon provisoire qui ont été libérées pour renseigner le secteur dans la planification des libérations. Nous exhortons la province de faire rapport avec transparence en ce qui concerne la COVID-19 afin de lutter efficacement contre cette crise.
- L’établissement de liens formels avec les organismes communautaires et les organismes de services sociaux afin d’aider les personnes libérées.
- L’élargissement des mesures concernant la suspension des renouvellements de documents d’identification pour inclure les personnes libérées pendant la pandémie de la COVID-19, et l’élimination des exigences pour des documents d’identification admissibles pour l’accès à des soins de santé et des services sociaux.
- L’adoption de mesures pour lutter contre les facteurs contribuant au départ du personnel dans les établissements en accordant la priorité à l’accès à de l’ÉPI et à des primes de risque pour ces travailleurs essentiels. La province doit s’assurer que les établissements ont suffisamment d’effectifs et demeurent en mesure d’offrir des soins complets.
Il s’agit d’une crise exceptionnelle qui nécessite des mesures extraordinaires. Nos secteurs sont prêts à appuyer la province dans l’élaboration de programmes de soutien pour les groupes marginalisés.
Adrianna Tetley, directrice générale, Alliance pour des communautés en santé